2024 n’a pas été une année clémente pour le vignoble bordelais. Entre des étés trop pluvieux, un manque de soleil et des températures peu élevées, certaines parcelles de vignes n’ont pas atteint leur pleine maturité. Pour compenser, la préfecture de Gironde a autorisé une pratique exceptionnelle. On t’explique pourquoi un tel procédé est nécessaire et comment il peut aider les viticulteurs.
La chaptalisation : un procédé ancien et encadré
Inventée par le chimiste français Jean-Antoine Chaptal au XIXe siècle, la chaptalisation consiste à ajouter du sucre dans le moût de raisin, soit le jus qui va fermenter pour devenir du vin. Lors de la fermentation, ce sucre se transforme en alcool, augmentant le degré d’alcool du vin. Dans un contexte idéal, ce processus naturel suffit, le sucre contenu dans les raisins étant suffisant pour atteindre le degré d’alcool désiré. Mais dans des années plus fraîches ou avec des raisins moins mûrs, cette chaptalisation devient une solution précieuse.
La technique est strictement encadrée : seules des conditions climatiques particulières peuvent la justifier, et chaque demande doit être approuvée par la préfecture. D’ailleurs, certains domaines ont déjà payé le prix fort pour des chaptalisations non autorisées, la législation imposant des sanctions sévères en cas de non-respect des règles.
Un millésime 2024 en manque de maturité
Cette année, le climat bordelais a été marqué par un déficit de chaleur et de soleil, deux éléments essentiels pour une bonne maturité des raisins. Dans certains vignobles, surtout ceux installés sur des sols argileux, les grappes n’ont pas pu accumuler suffisamment de sucre, rendant les vins « maigres », avec des degrés d’alcool trop bas. Charles Gonet, cogérant du Château Haut-Bacalan à Pessac, explique : « Nos vignes ont eu du mal à arriver à maturité par manque de soleil et de chaleur. Le vin aurait manqué de rondeur et de potentiel de vieillissement, surtout pour les rouges. »
La chaptalisation a permis de relever le taux d’alcool de certains vins rouges bordelais, passant ainsi de 11,5° à 12°, le minimum requis pour maintenir une bonne qualité gustative. Joël Tauzin, du domaine de Merlet, a lui aussi pu élever d’un degré l’alcool de ses vins grâce à cette opération minutieuse.
Une solution pour sauver le millésime
Si la chaptalisation a permis aux vins bordelais d’atteindre le degré d’alcool requis, les viticulteurs sont lucides : ce millésime 2024 ne sera pas un grand cru. Comme le souligne Joël Tauzin, « Ce n’est pas signe de bonne année », rappelant des millésimes modestes comme 1992 ou 1994, marqués eux aussi par des conditions climatiques défavorables. Charles Gonet partage cet avis : « Cette année, on n’a pas les conditions pour un grand millésime. »
Un défi pour les producteurs bordelais
Les années comme 2024 mettent en évidence les défis posés par les aléas climatiques. Alors que le réchauffement climatique a tendance à intensifier les étés dans le Bordelais, 2024 est un rappel que la météo reste capricieuse et imprévisible. Les vignerons doivent constamment s’adapter, jonglant entre des années trop chaudes et d’autres trop fraîches. L’autorisation de la chaptalisation montre bien cette nécessité de réagir face aux variations climatiques pour préserver la qualité du vin.
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