Heinz Stahlschmidt, l’officier allemand qui a sauvé la ville de Bordeaux
Heinz Stahlschmidt, devenu Henri Salmide après sa naturalisation française, s’est éteint le 23 février 2010 à l’âge de 91 ans. Pourtant, son nom reste largement inconnu des Bordelais, malgré son rôle crucial dans la préservation du port de Bordeaux en août 1944.
Désobéir pour sauver une ville qu’il portait dans son cœur
Sous-officier allemand de la Kriegsmarine et artificier qualifié, Heinz Stahlschmidt arrive à Bordeaux en décembre 1941. Pendant son affectation, il se familiarise avec la ville, tisse des liens d’amitié avec des Bordelais, et rencontre Henriette, celle qui deviendra sa femme. Chargé des dépôts de munitions et des infrastructures portuaires, il détient également la clé du blockhaus de la rue Raze, un emplacement stratégique abritant l’équipement nécessaire à la destruction des ponts et des installations portuaires.
Le régime nazi avait planifié la destruction de ces infrastructures stratégiques pour les 24 et 25 août 1944, dans une tentative désespérée de freiner l’avancée des Alliés. Mais Stahlschmidt, opposé à cet ordre qu’il juge insensé, décide d’agir en conscience.
Le 21 août, il prend une décision irrévocable : détruire le blockhaus et, avec lui, la clé du dispositif de destruction. Le 22 août, il passe à l’action. Après avoir amorcé les explosifs, il attend calmement l’explosion au Jardin public. À 20h30, l’explosion retentit. Le port de Bordeaux, ainsi que des milliers de vies, sont sauvés.
« Une question de conscience » qui a tout fait basculer
Interrogé sur son acte de bravoure, Heinz Stahlschmidt répond avec sobriété : « Je n’ai pas agi pour me sauver, ni pour une contrepartie. Ma haine pour le régime nazi et mon affection pour la France ont guidé ma conduite. » Selon lui, détruire le port aurait causé des milliers de morts pour un gain stratégique nul, la guerre étant déjà perdue pour l’Allemagne.
Après son acte, il se cache chez des amis, notamment la famille Moga, qui l’héberge jusqu’à la Libération, le 28 août.
Un héros tardivement reconnu dans les livres d’histoire
Devenu citoyen français en 1947 sous le nom d’Henri Salmide, il reçoit en 1995 la médaille de la Ville de Bordeaux des mains de Jacques Chaban-Delmas, ancien maire et résistant. En 2000, il est décoré de la Légion d’honneur, un geste qui vient tardivement réhabiliter sa mémoire.
Malgré ces distinctions, son histoire reste entachée par les méfiances et les incompréhensions. En 2001, à 82 ans, il retourne à Dortmund, sa ville natale, pour dissiper les rumeurs le qualifiant de traître. Son courage et sa droiture le rendent profondément heureux de pouvoir enfin rétablir la vérité.
La survie de Bordeaux est souvent attribuée à une combinaison d’acteurs : résistants, négociateurs locaux, et autres figures de l’époque. Cependant, l’action décisive de Stahlschmidt s’impose comme un élément central. Alors que les Résistants revendiquent l’explosion pour des raisons politiques, et que des agents alliés tentent d’enrôler Stahlschmidt dans leur récit, il refuse tout compromis.
Héritage et mémoire
Malgré les épreuves, Stahlschmidt trouve un refuge affectueux auprès de la famille Moga, qui l’accueille comme un membre à part entière. Historiens et écrivains, comme Dominique Lormier et Michel Suffran, travaillent à faire connaître son histoire, contribuant à redonner sa dignité à cet homme d’exception.
Le 22 août 1944, par son courage et sa conscience, Heinz Stahlschmidt a changé le destin de Bordeaux. Son acte de désobéissance demeure un exemple poignant de l’humanité au cœur des horreurs de la guerre. Bravo pour cette acte de bravoure qui a changé l’histoire de la ville de Bordeaux à tout jamais.
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