Bassin d’Arcachon : pièges et mystères de ses passes
Le Bassin d’Arcachon communique avec l’océan par un goulet de 3 km de large et 9 km de long, zone mouvante où se joue un ballet permanent entre sable et courants. Deux chenaux principaux – la Passe Sud (entre le Banc d’Arguin et la Dune du Pilat) et la Passe Nord (entre le Banc d’Arguin et le Banc du Toulinguet) – servent de portes d’entrée aux navires. Considérées comme les passes les plus dangereuses d’Europe, elles exigent une parfaite connaissance des marées et des courants.
Un environnement hydrodynamique exceptionnel

La mécanique des marées
Quatre fois par jour, 370 millions de m³ d’eau transitent par les passes avec des courants atteignant 6 km/h. Le marnage (différence de hauteur d’eau) peut y atteindre 4,55 m lors des grandes marées. Cette dynamique, combinée à la houle atlantique et au courant littoral nord-sud, sculpte en permanence les bancs de sable. La différence de profondeur entre l’océan (25 m) et le bassin crée un ressac redoutable.
L’origine du sable
Chaque année, 450 à 750 m³ de sable (98% de quartz issu de l’érosion des Pyrénées et du Massif central) sont charriés par la « dérive littorale ». Ce flux constant explique la mobilité des hauts-fonds.
La navigation dans les passes : un défi technique
Stratégies de franchissement
- Entrée : conseillée 2h30 avant la pleine mer pour profiter du courant de flot
- Sortie : idéale à pleine mer lors de l’étale (période de calme relatif)
La Passe Nord, plus profonde, est privilégiée par les professionnels. En hiver, lorsque les conditions deviennent trop périlleuses, certains bateaux déroutent vers le Pays basque.
Pourquoi le bassin ne se referme-t-il pas ?

Trois facteurs maintiennent l’ouverture :
- L’apport d’eau douce de la Leyre
- La puissance des courants de marée
- La géologie sous-marine (faille et plissements rocheux)
Histoires de naufrages : la mémoire tragique des passes
Les grandes catastrophes
- 1836 : « Lou Gran Malur » – 77 morts dans le naufrage de 6 chaloupes de pêche
- 1891 : L' »Albatros » chavire → 11 disparus
- 1904 : 60 embarcations abandonnées en mer (151 hommes sauvés in extremis)
Naufrages récents
- 1988-2020 : Une vingtaine d’accidents recensés dont :
- Le « Surcouf » (3 disparus)
- Le « Viking » (2 morts)
- L' »Ino » (1 disparu en 2020)
Facteurs de risque
- Vagues « bâtardes » (déferlantes imprévisibles)
- Bancs de sable mouvants
- Courants contraires
Conseils pour naviguer en sécurité
Check-list indispensable
✔ Vérifier coefficient de marée (>70 = danger accru)
✔ Surveiller houle (>2 m déconseillé) et vent d’ouest
✔ Équipement : VHF (canal 16), gilets, harnais
✔ Prévenir le sémaphore du Cap-Ferret (05 56 03 93 08)
À éviter absolument
- Franchissement de nuit
- Tentative par gros temps
- Démarchage sans puissance suffisante
Un passage mythique à respecter

Les passes du Bassin d’Arcachon restent un défi maritime où se mêlent beauté sauvage et dangers extrêmes. Si les progrès technologiques ont réduit les accidents, la vigilance reste de mise. Comme le disent les marins locaux : « Ici, la mer écrit son histoire avec du sable et des larmes. »
À savoir : Le sémaphore du Cap-Ferret propose des briefings quotidiens sur les conditions de franchissement.
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